Roumanie : « et si Ceausescu était encore vivant … ? » 

7 Septembre 2013


En Roumanie, l'époque communiste sera toujours synonyme de la figure de Ncolae Ceaușescu. En 2013, 24 ans après son assassinat, les opinions restent toujours partagées au sein de la population roumaine.


Crédit Photo -- Mihai Barbu/Reuters
Le plus souvent, qu'en l'on pense « Europe de l'Est », c'est la Roumanie qui arrive à notre esprit. Reste que ce pays reste grandement inconnu et peu compréhensible pour les étrangers. On ne peut nier que la plupart des observateurs étrangers ne connaissent qu'une image floue de la Roumanie. Reste que sans être un expert de l’Histoire de ce pays, le nom « Ceaușescu » parle à tous. Nicolae Ceaușescu est un des leaders politiques qui a le plus marqué l'Histoire, gouvernant d'une main de fer sur « son » peuple. Encore aujourd’hui, les citoyens roumains subissent toujours les conséquences du régime communiste, mais, malgré tout, ceux-ci hésitent encore à exprimer leurs sentiments vers l’ancien leader et « tovarăş » (fr. « camarade » alias membre du Parti communiste). Les opinions sont source d'important clivage, Ceaușescu est soit éperdument regretté, soit affreusement détesté. Le « camarade » alimente encore toutes les oppositions et toutes les polémiques..

Le sensible débat est revenu sur le devant de la scène, à la faveur d'une initiative plus ou moins heureuse du Ministère du Tourisme roumain, celle de la récente décision de restaurer et de réouvrir au public un Musée dédié à la famille Ceaușescu. Il s’agit de l’ancienne caserne de Târgoviște, où les époux Ceaușescu ont vécu leurs derniers jours. À la suite d'un procès expéditif de 55 minutes rendu par un tribunal autoproclamé, Nicolae Ceaușescu et Elena Petrescu, ont été déclarés coupables de génocide, étant condamnés à mort et aussitôt fusillés. Difficile de dire si cette « attraction » est un moyen d’inciter les touristes étrangers avides de connaître l’histoire « rouge » de la Roumanie, ou si l’ouverture de ce musée a été aussi mise en place pour redorer l'image et la nostalgie des Ceausesti …

Ceaușescu , surnommé « le Génie des Carpates » ou « le Danube de la pensée », se résume comme le portrait modèle du chef d’État « parfaitement » communiste. Autrement dit, tout ce qu’il a entrepris pendant sa « période de gloire » de 1965 à 1989, reflétait son idéologie « stalinienne » : en cherchant à toujours maintenir le culte de la personnalité, il a voulu obtenir l’indépendance de la Roumanie vis-à-vis du pouvoir soviétique. Il a réussi à « fermer » les frontières du pays et, avec l’aide des forces de Sécurité, il a réussi à contrôler le pays dans sa totalité.

Les Roumains qui ont vécu pendant le régime de Ceaușescu et ayant donc vécu « l'avant » et « l'après » période communiste regrette de plus en plus souvent l’absence d’un chef d’État « de fer », comme Ceaușescu l’était. La stabilité du gouvernement roumain reste encontre très incertaine, les affaires de corruption y sont permanentes. Marius, 50 ans, ancien ouvrier, affirme que « s'[il] regarde bien ce qui se passe avec la politique en Roumanie en ce moment , [il] commence à considérer Ceaușescu comme un vrai héros national ». « C’est vrai que la manière par lequel il maintenait toute la société sous contrôle grâce à la Sécurité Nationale n’était pas une blague, mais, au moins, les gens simples avaient une meilleure vie : on avait tous un lieu de travail qui n’allait pas disparaître du jour au lendemain et on était sûr de pouvoir gagner notre pain. S’il avait imposé des mesures d’austérité, c’était pour aider le pays à ne plus avoir de dettes ». Les paroles de Marius sont loin d'être un discours isolé.

En parlant de « l’héritage » laissé derrière lui par Ceausescu, Nicoleta, 65 ans, professeur de français, ajoute : « il faut savoir que le camarade Ceaușescu n’a pas fait que du mal. Il y a beaucoup d’attractions touristiques construites par sa volonté, qui sont devenues de vrais repères. Je parle bien évidemment du Palais du Parlement, du magnifique parcours "Transfăgărăşanul, du canal Danube-Mer Noire, etc. » De nombreux Roumains sont très fiers de tout ce que le « dictateur » leur a laissé. Alors qu'aujourd'hui la situation est telle qu'« il faut se méfier ! ». « Malheureusement, après la chute de Ceausescu, il n’y a rien d’important qui a été fait. Les politiciens d’aujourd’hui se contentent qu'il y est encore deux kilomètres d’autoroute finis. Je ne dis pas que je voulais revivre sous un régime communiste, car je me rappelle très bien les difficultés que mes parents rencontraient : parfois on n’avait pas quoi manger, parce que tout était gardé pour l’export. Aujourd’hui, on pourrait dire qu’on a tout ce qu’il nous faut, sauf de l’argent. Je reste assez optimiste : même si le passage d’un système totalitaire vers une société capitaliste est long, on va y arriver », conclut Nicoleta.

Démarche touristique ou hommage au dictateur ?

L’ouverture du Musée de Târgoviște est un paradoxe en lui-même. Même si au premier abord, le but du musée semble être à 100 % touristique et culturel, la façon d’immortaliser les événements douloureux du passé dans cette caserne reste assez curieuse. En visitant les lieux, on peut « admirer » la chambre froide où les Ceausesti ont passé leur dernière nuit, ou la salle improvisée en guise de tribunal, ou encore le mur à côté duquel le couple a été fusillé et où l’on peut toujours voir les traces des balles tirées sur les murs.

Comme Le Figaro le suggère, le projet du musée fait partie d’une initiative nationale de créer un parcours touristique du communisme roumain, intitulé le « circuit rouge ». Le parcours inclura une visite du Palais du Parlement de Bucarest, qui est le deuxième le plus grand bâtiment au monde après le Pentagone, et la maison natale du dictateur. Si on suit les estimations du Ministère du Tourisme roumain, les touristes étrangers ne devraient pas tarder arriver en Roumanie pour découvrir la version la plus proche de la vie de Ceausescu, le « Génie des Carpates ».

La nostalgie des quelques-uns par rapport à l’ancien régime communiste montre que la Roumanie est encore un pays hanté par son passé très marquant. En pointant du doigt le résultat social du communisme, Alexandra, 46 ans, médecin affirme : « l’homme communiste produit par le Parti de Ceaușescu n’a pas atteint son utopie : il ne voulait pas suivre son destin sans y réfléchir. Il voulait surtout s’exprimer au sein d’une société prête à être à son écoute. Ceux qui regrettent la présence du dictateur oublient parfois la frustration ressentie quand on ne pouvait pas prendre des décisions pour nous-mêmes. Si la société du présent reste toujours fautive, c’est aussi de notre responsabilité. Après tout, c’est nous qui choisissons les gens qui nous conduisent. C’est nous qui devons agir pour améliorer notre condition ! ».




Jeune fille née sur les terres de Dracula, originaire de Roumanie et venue à Lyon pour vivre la… En savoir plus sur cet auteur